L’ANGE ET LE SPHINX – 6 mars au 19 avril 2025

Espace Constantin Chariot – Bruxelles.



« Intemporalité et infinité picturales »

Artiste pluridisciplinaire, peintre, dessinateur mais aussi photographe, auteur de films et réalisateur d’installations monumentales, Didier Mahieu est aussi un narrateur, un investigateur des arcanes d’un espace habité et innervé d’histoires intimes, oniriques, imaginaires ou vécues. Singulier en ses expressions et son parcours, il compte moultes expositions en institutions et galeries, autant en Belgique qu’à l’étranger, notamment à Bruxelles, Ostende, Bruges, New York, Pékin, Londres, Istanbul, Tokyo, Francfort, Lille…

La peinture de Didier Mahieu contracte en une osmose indissoluble le passé, le présent et le futur hypothétique au point de s’élever au faîte d’un questionnement majeur sur l’être et l’univers. Les portraits, les paysages, les images informelles aux frontières du rien, interrogent autant notre état d’humain que notre rapport au monde. Les questions qui nous taraudent jusqu’aux plus tourmentées, les énigmes les plus insolubles, les hypothèses les plus improbables et les faits heureux, troublants ou tragiques, sous-tendent en filigrane invisible, en tensions imperceptibles à la vue mais bien présentes, la peinture de Didier Mahieu.

Dans la démarche générale de l’artiste, tout est peinture et tout part de la peinture. Le dessin et autres techniques y étant totalement incluses, sans aucune distinction de valeur et de sens. L’artiste ne s’interdit rien, ni au niveau des supports, bois, toile, papier, voire boîte d’entomologie ; ni quant aux matériaux auxquels il a recours, ni quant aux techniques qu’il maîtrise dans une fusion du tout débouchant sur un substrat à nul autre pareil constituant en fin de compte un espace quasi indescriptible et en tout cas irréductible à une définition. La consistance de ce magma pictural semble défier les lois de la nature, celles de la chimie autant que celles de la physique. Le minéral rejoint le gazeux, l’opaque rivalise avec la lumière, le liquide s’intègre et le solide s’évertue à se diluer. Les tonalités s’évaporent dans les nuances improbables et les traits, traces et autres participations graphiques gravitent comme autant de molécules vagabondes. Au sein de cet espace infini apparaissent sans âge réel, sans lieux précis, les divers motifs et autres figures, humaines ou pas, le tout issu d’une peinture créatrice de son propre univers, certes fictionnel, cependant d’une authentique réalité.

Les matériaux utilisés, les matières, leur traitement quasi alchimique, non seulement éclairent le titre de l’exposition : « L’Ange et l’Insecte et confèrent aux œuvres une aura particulière, souvent énigmatique, merveilleuse et mystérieuse comme le sont le macrocosme et le microcosme, tous deux infinis auxquels, de près ou de loin, nous appartenons.

Sans se soucier d’une histoire de l’art qui segmente volontiers, en mélangeant allégrement les styles, les genres, l’informel, l’esquissé, les abstractions, les figurations, l’ancien et le moderne, le classique autant que le chaotique, Didier Mahieu puise son énergie partout et ne s’accorde aucun tabou dans une liberté éclatante. Il s’échappe des formalismes langagiers. Il s’engage dans une quête incertaine et poursuit une aventure continue, mémorielle et prospective, personnelle et universelle, cosmique et terrestre, profondément humaine, mais autant immatérielle. Il trace sa voie sans itinéraire préconçu dans une géographie mentale à laquelle parlent les souvenirs, le vécu, où les rêves et les réalités s’entrecroisent sans discerner les uns des autres. Il invite à se laisser envahir par cette concentration improbable, dont la densité permet l’émergence des êtres, des choses, de la nature.

Cette peinture, vibrante d’une profonde spiritualité, connaît aussi ses pères et les honore dont Rubens chantre des portraits du vécu ressenti ou Rembrandt aux luminosités contrastées de l’obscur à l’éclat dans un baroquisme tempéré, ou plus près de nous les Jean Fautrier ou Henri Michaux, deux grands libérateurs de la peinture intériorisée.

Didier Mahieu est un contemporain dont la peinture foncièrement intemporelle est régénérescence permanente.

Claude Lorent

Février 2025

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